Chapitre 7 : Rencontre

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"Je vais essayer de me reposer un peu. Pourrais tu m'alerter si jamais des réanimés approchent ? Ça m'étonnerait qu'ils sachent grimper aux arbres mais on ne sait jamais !" me dit Myrek tandis qu'il finissait de s'attacher. J'acquiesçais et descendis en lévitant de la branche sur laquelle il s'était perché. L'arbre était mort depuis bien longtemps sans doute, mais il semblait encore suffisamment solide pour soutenir son poids.

Cela faisait déjà 4 jours que nous voyagions, même si pour moi le temps ne signifie plus grand-chose depuis que je suis un fantôme. Il n'empêche qu'il fallait toujours que Myrek mange, dorme, et moi qui le suivait, il fallait bien que je l'attende. Après tout, si je suis encore de ce monde mais que rien ni personne ne peut me voir ou m'entendre, à quoi cela sert-il ? En plus Myrek a pleins d'histoires à raconter, et ces quelques jours avec lui m'ont déjà appris bien plus sur le monde extérieur à Merinvieux que toute ma vie de paysans !

Si seulement j'avais pu aller raconter ça à ma famille, ma femme, mes enfants. J'ai essayé de les revoir après que le mage m'ai libéré de mon corps, mais ce que j'ai vu n'était que douleur et souffrance. Je ne pourrais pas revoir ça, c'était trop dur pour moi. Alors autant partir, essayer de trouver la Porte des Âmes. C'est étonnant, on dit que quand quelqu'un meurt, son âme se détache de son corps et celle-ci, appelée par la porte, commence un dernier pèlerinage vers les montagnes de l'oubli. Je n'ai pas de souvenir de ce pèlerinage. Tout ce dont je me souviens c'est que je me suis réveillé dans mon corps mort, incapable de bouger et enterré. Myrek a essayé de m'expliquer ce qu'il s'était passé, que j'avais été le cobaye d'une expérience magique d'un certain Elyon, mais la magie n'est pas vraiment un sujet qui m'est familier, alors ses explications me paraissaient plutôt fumeuses. Et de toute façon, selon lui, étant devenu une âme, j'étais… Comment dit-il déjà… Devenu partie intégrante d'un flux, que mon attache au monde n'existait plus et que je ne pourrais jamais utiliser de magie sous cette forme. Mais il ne sait pas pourquoi, si mon attache au monde n'existe plus, je suis toujours bloqué ici. La magie et ses mystères j'ai envie de dire ! 

Mais cette histoire d'attache au monde m'est apparue de manière concrète quelques fois, comme cela m'arrive d'ailleurs alors que je laisse Myrek dans son arbre pour aller survoler les Landes. Il arrive que ma vision fluctue, et qu'au lieu de la Lande, je vois le passé de cet endroit. Des prairies bien vertes, des champs, des troupeaux, des marchands sur les routes, des enfants dans les villages. Puis en un clignement de paupières, tout redevient mort. Cela m'arrive pour le paysage mais aussi pour les gens, ce que Myrek appelle les réanimés. Apparemment ils sont comme moi, des âmes prisonnières de corps morts. Alors j'ai essayé de m'en approcher. J'ai vu ces âmes, j'ai vu ces corps décharnés, hantés. Car si les âmes sont bien là, elles sont silencieuses, vides de volonté. Mortes ? J'étais mal à l'aise à côtés de ces corps ambulants, donc je ne me suis pas attardé. 

En soit, être un fantôme n'est peut être pas si mal. Pour le moment je n'ai rencontré que Myrek qui puisse me voir et m'entendre, mais je suis en quelque sorte libre. Je vole dans le ciel au-dessus des Landes, voyant défiler sous moi tantôt les paysages morts et hantés, tantôt les paysages vivants d'autrefois. Je découvre le monde d'un point de vue qui m'était alors inconnu. Et quel monde ! Habitant Merinvieux, je connaissais l'état des Landes. Du moins j'avais beaucoup entendu les gardes en parler. On pense facilement que ce sont des gars fort que rien ne pourrait impressionner. Mais leurs histoires d'expéditions ne contiennent pas de glorieuses batailles, seulement des massacres de morts vivants, la peur constante de se faire surprendre pendant la nuit, et surtout le silence oppressant de la terre, dénuée de vie que même le vent ne vient perturber. Je le voyais aujourd'hui de mes propres yeux et je me mit à croire que ces gars pouvaient avoir peur ici. 

Mais tandis que mes pensées dérivent aussi vite que le paysage, je vois de la fumée au loin dans le ciel. La lune est haute, le ciel dégagé, et je m'étais envolé plutôt haut pour apprécier le paysage. Je me tournais vers l'arbre de Myrek pour évaluer la distance. Il y a environ 1 jours de marche entre la fumée et Myrek. Du moins 1 jour pour lui, environ 1h pour moi. Je ne sais pas par quelle obscure magie je me déplace, mais j'ai découvert que je pouvais aller assez vite juste en le voulant. C'est grisant de voler à vive allure dans le ciel sans avoir peur de… Mourir ? 

Il me fallut donc environ 1h, comme je l'avais prévu, pour arriver au campement de la garde. C'était la première fois que je voyais une expédition, et je me me dit donc que je pouvais observer un peu, Myrek ne craignait rien perché dans son arbre. 

Le camp était calme, la nuit était après tout bien avancée. Les feux de camp n'étaient pour la plupart plus que fumants, sauf un ou deux sur les bords, sans doute ceux des veilleurs. Curieux, je me dirige vers l'un d'eux. Seul un homme est assis là. Tandis que je le regarde, je vois une lueur dans sa poitrine, et un filament qui en part pour s'enfoncer dans le sol. Depuis que je suis un fantôme, je vois ça chaque fois que je regarde quelqu'un. Chaque personne émet une lueur différente et certaines sont magnifiques tandis que d'autres paraissent malsaines. Enfin, celles des réanimés sont malsaines. 

Je me pose sur le rondin de l'autre côté du feu par rapport à l'homme. 

"Bonsoir garde, cela vous dérange-t-il que je vous tienne compagnie ?" 

Bien sûr, je n'ai pas de réponse, mais je m'y attendais. Je reste là, à regarder la lueur de cet homme, essayer d'en discerner les nuances. Myrek m'a dit que cette lueur était l'âme, et que moi même j'étais une lueur comme celle-ci. Même si je vois mon corps, Myrek me dit que lui ne voit qu'une lumière lévitant là où je me trouve. C'est d'ailleurs étonnant mais alors qu'il n'y a que lui qui me voit, il m'a dit que la lueur que mon âme émettait agissait pour lui sur le monde, lui servant comme d'une torche. Je ne comprends pas comment je peux servir de torche pour seulement ceux qui me voient. C'est encore un mystère de la magie. 

"Yven, tu parles tout seul ?" dit une voix venant de la droite. 

L'homme devant moi se tourne vers la voix, surpris que le silence, auparavant seulement dérangé par les craquements de bois dans le feu, le soit par une présence humaine. 

"Qu'est ce que tu racontes Aroas ? Ne me dis pas que tu es parti boire, c'est interdit pendant un tour de garde !" 

Je vois un jeune homme sortir de derrière une tente et ouvrir la bouche pour parler. Mais il ne dit rien, il semble comme arrêté, choqué. 

"Est ce que… Yven, est-ce que tu pratiques la magie ?" 

Je me rends compte que le jeune homme a les yeux fixés sur moi. 

"Jeune homme, je crois que tu divagues !" l'homme se met à rire. Se rendant certainement compte de l'arrêt de l'autre, il s'interrompt, un sourcil levé en signe d'incompréhension je suppose. 

"Que t'arrive-t-il ? On croirait que t'as vu un fantôme." La blague semble tomber à plat quand Aroas, sans se dérider, se dirige vers moi. Yven le suit de yeux tandis qu'il se penche vers moi et… M'étudie ? 

"Juste là, au bout de mon doigts, il y a de la magie. Je ne sais pas ce que c'est, mais c'est puissant, et ça n'y était pas quand je suis parti il y a 5 minutes."

Je suis surpris par son doigt qui traverse mes côtes, mais apparemment pas autant que lui. 

"Tu arrives à me voir ?" 

Aroas bondit en arrière, un air surpris sur le visage. 

"Tu as entendu la voix Yven ou il n'y a que moi ? C'est toi qui vient de parler avoue, c'est juste une mauvaise blague c'est ça ?" 

Yven n'a pas l'air de comprendre. 

"Jeune homme, c'est plutôt à toi d'arrêter ta mauvaise blague. Tu es le seul dans ce camps à pouvoir faire de la magie tu le sais très bien, c'est pour ça que tu es là !" 

Je me sens obligé de les arrêter avant que la situation ne dégénère. 

"Je ne suis la blague de personne, enchanté, je suis Lymel, fantôme de mon état." 

Yven ne semble toujours pas m'entendre mais Aroas se reprend. 

"Enchanté, je suis Aroas et l'homme ici présent est Yven. Comment ça un fantôme ?"

Je soupire. 

"Je n'en ai aucune idée. Un mage a essayé de m'expliquer mais je n'ai rien compris, je n'étais que paysan après tout, la magie c'est pas mon truc." 

Aroas semble avoir une révélation et se tourne vers Yven. 

"Devant nous il y a quelque chose qui se dit être un fantôme. Ce fantôme se présente comme étant Lymel, il dit qu'il était paysan. Le corps qu'on a retrouvé dans une chambre d'auberge n'était-il pas le corps d'un paysan nommé Lymel ?" 

L'homme semble encore avoir des doutes quant au fait que ce soit une mauvaise blague mais il répond tout de même. 

" Si effectivement. Et tu me dis que là", il pointe le doigt vers moi," il y a son fantôme ? ". 

Le jeune homme se tourne vers moi. 

" Je ne sais pas, il peut y avoir beaucoup d'hommes s'appellant ainsi. Dis moi Lymel, c'était ton corps ?

-Oui c'était mon corps. Mon âme était piégée dedans et Myrek m'en a délivré. Pour ça il a dut me sortir de ma tombe mais il n'a pas eu le temps de m'y remettre. Il ne pouvait pas le faire de la même manière qu’il m'en a fait sortir apparemment, et votre officier allait lui apporter des ennuis donc il s'est enfui par la fenêtre en vous jetant un sort d'oubli ou un truc du genre. "

Aroas reporte le tout à Yven et se retourne vers moi. 

"Comment ça un sort d'oubli ? Pourquoi avoir fait ça, nous l'avions rencontré ?

-Oui, dans la salle de l'auberge. Il t'avait demandé de lui raconter l'histoire de L'Ombre mais votre officier t'a interrompu. Du moins c’est ce qu’il m’a raconté, je n’y étais pas. Il ne voulait pas que vous vous rappeliez de lui et que vous vous lanciez à sa poursuite donc il a lancé son sort. Il n'a rien fait de mal vous savez, il m'a juste libéré, mais il s'est dit que vous n'y croiriez pas si vous ne pouviez pas me voir. Et justement, il se trouve que vous pouvez me voir ! Il faut que j'aille lui dire ! Lui qui déteste utiliser ses pouvoirs pour rien il va enrager ! "

Yven sembla réfléchir un certain temps aux propos qu'Aroas lui rapporta, puis, il tenta de s'adresser à moi, en regardant légèrement trop à droite. 

"Fantôme, si tu m'entends, que fait ce Myrek dans les Landes ? "

J'agite ma main devant ses yeux mais définitivement, il ne me voit pas. 

"Il poursuit le mage qui m'a piégé, vous l'appelez L'Ombre. Enfin, il tente de le poursuivre, mais dans les Landes il est difficile de poursuivre quelqu'un donc il avance un peu à l'aveuglette vers Namas Cintas." 

Une lueur de peur passe dans les yeux d'Aroas quand je parle de L'Ombre. Il reporte ce que j'ai dit à Yven et celui-ci prend Aroas à part. Ce dernier ne me quitte pas des yeux comme pour s'assurer que je ne les suive pas donc je reste sur ma bûche au coin du feu et j'attends qu'ils reviennent.

Quand ils le font enfin, Aroas me parle en premier. 

"Je pratique un peu de magie, il m'est facile de traquer quelqu'un s’il use du Flux. Je pourrais donc aider Myrek à suivre L'Ombre si tu l'amenais ici, qu'en penses tu ?" 

Je prends quelques secondes à réfléchir mais je suis déjà convaincu. Cela fait 3 jours que mon compagnon râle parce qu'il n'a pas de réelle piste pour suivre Elyon, il en sera plus qu'heureux ! 

"C'est une excellente idée ! Il est à une journée de marche par là-bas. Si demain vous avancez dans ce sens-là et lui vers vous, vous devriez vous retrouver dans la journée ! Je lui dirai quand il se réveillera. D'ailleurs, il m'avait chargé de monter la garde, il faut peut être que j'y retourne, qu'il ne se fasse pas surprendre dans son sommeil. De toute façon, on se reverra certainement demain. Je vous souhaite une bonne nuit messieurs. "

Et c'est sur leurs salutations que je m'envole pour retourner veiller sur Myrek et son arbre. 

 

Après le départ de l’être, Yven se tourne vers Aroas.

“Ferais-tu le poids face à lui ?”

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