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Francis Soulard

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Épisode 1: Les yeux d'un pion Épisode 2: La Rochelle

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Épisode 1: Les yeux d'un pion

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Québec, Décembre 1666

 

 

J'observe la pièce dans laquelle je me trouves par les reflets déformés projetés sur les carreaux d'une fenêtre givrée par cet hiver que je ne connaissais pas encore hier avant de poser le pied dans ce pays infini et sauvage qui est maintenant le mien: Le Nouveau-Monde. Dehors, le froid, implacable; le vent, sans merci; les forêts, insondables et... le hurlement des loups, impossible à ignorer. À l'intérieur, des sourires, qui dévoilent leurs crocs; des regards, qui voilent à peine leurs ambitions dévorantes; des commentaires lourds, qui indiquent que les Bêtes ce jaugent; et... surtout, leur ignorance manifeste à mon égard qui me rappel qu'à leurs yeux je ne suis rien, je n'existe pas. Dedans ou dehors, je suis dans un cage aux barreaux aussi grand que ce continent, mais aussi fatal que le froid mordant de l'hiver sur un corps nu. Observant la multitude des dangers qui me guettent dans les reflets déformés de cette fenêtre, je tentes de conserver une apparence neutre et digne qui cache une peur qui frôle la panique. Que vais-je devenir? J'ai l'impression qu'ils peuvent tous entendre les battements affolés de mon coeur et je m'attends à tout moment qu'une main froide se pose sur ma gorge avant d'y plonger de longs crocs qui m'arracheront la vie.

 

Mon maître jette une lettre sur la table qui lui a appris que le navire portant son sire s'est perdu en mer, sa grande-sire a été détruite par l'Inquisition en France et il y aurait des Protestants dans la pièce. Je fais un signe de croix nerveusement et tente de me calmer en détournant mon attention de sa colère. Les reflets déformés de leurs silhouettent dans les carreaux givrés de la fenêtre, ils discutent; j'entends ce qu'ils disent; mais je ne comprends pas de quoi ils parlent. Je suis mal à l'aise, je suis confus... je suis effrayé. Un groupe de marins aux moeurs peu recommandable se mettent à rire, un coureur des bois fracasse une table en y projetant le corps de l'un d'eux: je tentes de me fondre dans le plancher: mais je ne peux pas bouger, je suis figé; prisonnier et dans les tréfonds de mes entrailles, mon être souhaite que les reflets qui s'agitent dans les carreaux givrées de la fenêtre ne soient qu'illusions, théâtre d'ombres... mais non, du coin de l'œil j'aperçois une table fracassée et j'en ai la chaire de poule.

 

Un groupe d'aristocrates se mettent à rire, des rires dont chaque notes projettent un peu plus loin un mépris manifeste pour la racaille qui se livrent à ses plus bas instincts sous leurs yeux. Assis à leurs tables bien décorées, des coupes de sang encore chaud: ce dernier n'a pas pu être récolté bien loin. Le collet de ma chemise m'étrangle soudainement, je tire sur celui-ci un peu, j'ai besoin d'air. J'étouffe. Dehors la mort, dedans la mort. Un constat inexorable. Le Nouveau-Monde est un mon tombeau.

 

Bientôt, le givre de fissure, les carreaux gelés craquent et j'y vois mon reflet pâle comme la mort, froid comme l'hiver. Qu'est-ce qui m'est arrivé? Je panique, mais mon coeur ne bats pas; mes doigts se crispent de terreur. Dans un carreau de la fenêtre qui se fissure; une maison brûle et j'entends des hurlements de loups... DE LOUPS! J'étais là, j'ai tout vu... et je n'ai rien fait; il m'a donné l'Éternité, je ne voulais pas la perdre.

Québec, Février 1668

 

 

Résumons, si je m'exclus; nous devions être 5; mon arrière-grande-sire a été brûlé par l'Inquisition; mon grand-sire s'est perdu en mer, mon sire... tué par les lupins. Son frère? Aucune nouvelle, probablement aussi perdu en mer. Si je laisses traîner mes oreilles dans les autres conversations; ils ont tous des histoires aussi horribles; la traversée vers le Nouveau-Monde a vu plusieurs d'entre nous disparaître et lentement, mais sûrement... les étendus sauvages de ce continent indomptable semblent prêtes à faire le reste du travail et nous avaler un par un. Si je tiens à mon Éternité, je devrai jouer à un jeu dont je ne connais ni ne comprends les règles car seul, mes chances sont... nuls. J'aperçois alors les reflets de deux silhouettes dans les carreaux givrés de cette fenêtre gelée; une élégante demoiselle et un grand gaillard au port digne et confiant: Je n'ai aucune idée qui ils sont, mais la providence semble frapper à ma porte: ils s'intéressent à moi. Les carreaux de la fenêtre craque, voyant cela, je transforme une grimace en sourire afin d'accueillir les deux personnages venant de s'attabler et qui me toisent avec les yeux pleines de promesses... de celles que vous ne pouvez refuser, vous comprenez?

 

Ils m'envoient des formalités, me font une offre: Que pensez-vous de l'Acadie? Ce demandent-ils comme s'ils marchandaient ma destinée en ma présence. Ils semblent s'entendre, et se retournent vers moi: La formalité du contrat qu'ils viennent de signer entre eux. J'acceptes et avant que je n'ais terminé de formuler mes remerciements, ils ont déjà quitté ma table. Que vient-il de se passer? Je regardes mon reflet dans le carreau givré de la fenêtre, une fissure apparaît O PUIS ARRÊTE À LA FIN! Je me lèves, visiblement froissé que l'adversité ne veuille pas me reconnaître au moins une réussite, cette salope! Je pointe la fissure d'un doigt rageur, une autre apparaît! Et bien tant pis! Dis-je. FAITES PLACE AU SEIGNEUR D'ACADIE! Lançais-je sans même comprendre de quoi il s'agissait, me drapant des apparats d'une illusion complète dans une pièce dont je comptais bien jouer un rôle, même si je devais en apprendre parcoeur les paroles sans en comprendre le sens car il s'agissait là de ma seule planche de salut. Joue le jeu, ou crève car si tu es seul et si tu n'es rien Romain, on t'oubliera aussi rapidement qu'un flocon de neige qui fait l'erreur de tomber du ciel sous le soleil de mai. Afin de m'éloigner de ce satané carreau givré se fissurant sans cesse dans une veine tentative de briser mon élan, je m'assieds plus loin; deux hommes échangeaient entre eux; couverts d'une perruque blanches à boudins sur les tempes. Surpris que je déboule ainsi à leur table, ils m'observent pendant de longues secondes avec un mépris aucunement masqué puis l'un d'eux dit à la goule à boudins postés derrière lui: '' Mazarin! Apportez à boire au Seigneur... d'Acadie. '' lâcha-t-il avec autant de courtoisie que d'hypocrisie. Une coupe de sang apparu aussitôt devant moi. '' Et vous êtes mon seigneur? '' '' AHAH! J'aimerais bien, mais je ne suis pas Seigneur, je suis le Maître des Harpies envoyé par Sa Majesté De Villon, Narcisse de Santandre et à mes côtés, monsieur Alban de Rochefort; infant de mon épouse Pristine de Castebelle. Nous sommes de la Maison du Lys d'Or. '' J'entendis presque la fenêtre se fissurer derrière moi, je devais m'éloigner au plus vite de cette insupportable fenêtre! '' Si messires veulent bien m'excuser '' me fendis-je en excuses suivi d'une révérence. Note à vous-même: En les observant j'ai appris qu'on ne peut pas leur faire trop de politesse et encore moins trop de compliments.

 

 

Je déboulai presque les escaliers vers l'étage inférieur afin de fuir le regard de la fenêtre de l'adversité posée sur moi: CETTE SALOPE! Je débouchai sur une pièce sombre, il y avait 4 imposantes poutres de bois au quatre coin d'une vaste pièce vide de meuble et face à moi, tout au bout; une femme debout exactement entre deux colonnes. De petite taille, vêtue d'une robe élégante, chevelure ramenée dans un chignon soigné: le sourire qui dévoila ses crocs en me voyant arriver entre ses griffes m'indiqua que l'envergure de cette créature débordait bien au-delà de son enveloppe charnelle.

 

Elle leva un index qui me fit signe de m'approcher, ce que je fis sans même me poser la question comme si j'étais un poisson accroché à un hameçon pressentant que l'Éternité était sur le point de m'offrir sa première leçon. '' Mes funestes condoléances pour votre Sire, vous voilà bien seul parmi nous. '' Accroché à ses lèvres je répondis quelque chose de probablement favorable à son affirmation puisqu'elle sourit. '' mais ne vous en faites pas pour cela; vous n'avez personne, aucun sire pour vous guider? '' Elle tira la manche et de son avant-bras découvrant son poignet qu'elle porta à sa bouche pour le mordre. L'odeur de son sang empli immédiatement mes narines et mes yeux s'écarquillèrent. Une toute petite goutte de ce liquide rouge glissa parterre et il me fallu faire violence pour ne pas me jeter au sol pour la licher: mais qu'est-ce qui m'arrive?! Je n'eus pas le temps de m'interroger d'avantage qu'elle m'attrapa par la gorge, me retourna puis me plaque contre le mur. CONFUSION! PEUR! Qu'est-ce qui se passe? Que dois-je faire? Que fait-elle? Puis d'un seul coup absolument tout s'évapora pour laisser la place au goût de son sang et je sus à ce moment que cette chaîne serait la seule que j'accepterais de plein gré et avec enthousiasme. Le plus exquis de tout les nectars, la Pomme du Jardin d'Eden... la fleur du mal, la laisse des conquérants. En soit, cette offrande était le plus délectable de tous les péchés; mais la satisfaction et le bien-être qu'il me procurait était encore d'avantage accentué par le sentiment de sécurité qui m'habitait un peu plus à chaque gorgée. Paradoxalement, la laisse d'un puissant vous libère de l'oppression de la peur car désormais, vous avez de la valeur pour quelqu'un parce que dans ce monde au parfum d'hypocrisie et d'égoïsme personne ne résiste sans l'ombre d'un puissant derrière laquelle se cacher et elle venait de m'offrir cette sécurité salvatrice, libératrice et émancipatrice. Tu n'es plus seul me répétais-je ou peut-être l'avait-elle dit? Un doux mensonge qu'il faut apprendre à ce répéter afin de briser la solitude mère de toutes nos faiblesses... et nos alliances mères de toutes les trahisons.

 

La survie c'est l'exploit de faire de la solitude la mère de toutes les faiblesses et nos alliances mères de touts nos trahisons et ceux qui le savent ne jurent que par la laisse des conquérants.

 

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